Archives mensuelles : février 2015

La guerre qu’on nous fait: manifeste de profs contre tout ce qui vient avec l’austérité

Le texte qui suit circule depuis ce matin dans les réseaux sociaux – une version pdf est aussi partagée. Anonyme, il nous invite à le partager, c’est ce que la revue Trahir a choisi de faire.

 

Chers amis, chères amies, connu-e-s ou inconnu-e-s,

Notre texte ne récolte pas de signatures dont le nombre et la notoriété relative de certain-e-s auraient pour fonction de donner de l’importance à cette parole collective. En ces temps où le tout-sécuritaire marginalise toute contestation, nous faisons le pari de l’anonymat comme force capable d’impacts éventuels. Votre implication reste toutefois essentielle pour la diffusion du texte et de ses idées. Donnez-lui de la visibilité et cette visibilité sera un nouveau travail collectif qui montrera que, derrière ce texte, nous sommes nombreux et nombreuses. Si l’analyse que vous y trouverez vous semble juste, si vous êtes capables de passer par-dessus quelques maladresses, métaphores ou changements de registre que vous auriez évités, alors devenez un des relais dont a besoin, pas seulement ce petit texte, mais toute la force contre-hégémonique qu’il nous faut construire, pas à pas, contre la machine qui nous fait la guerre. Et n’attendons plus qu’on nous organise : faisons-le nous-mêmes là où nous le pouvons avec les moyens qui sont les nôtres, à saisir ou à inventer! Ce manifeste est une contribution en ce sens.

 

La guerre qu’on nous fait

Manifeste de profs contre tout ce qui vient avec l’austérité

Nous refusons l’appauvrissement humain, social, politique et intellectuel que l’offensive antisociale appelée austérité fait subir au monde, lui donnant ce visage patibulaire, cynique, servile, tout juste navré, médiocre, un brin sadique.

Cette offensive menée pour satisfaire les intérêts des élites économiques vise à soumettre, secteur par secteur, les personnes et les choses au règne contraignant de la marchandisation et du profit tout-puissant.

Depuis longtemps mise en œuvre, cette révolution conservatrice est avant tout une guerre menée contre les mécanismes collectifs de redistribution des richesses, de mise en commun des ressources pour faire face aux aléas de la vie. Même imparfaits, même incomplets, les services publics sont les arrangements minimaux de solidarité qui témoignent d’un souci collectif pour une vie juste. Et pour défendre cela nous sommes prêts à nous battre.

Dans notre domaine, celui de l’éducation, une telle révolution procède par l’instrumentalisation des savoirs, de l’enseignement et de la recherche, arrimés de plus en plus entièrement aux seules exigences toxiques, mortifères, de l’accumulation et de l’optimisation. L’introduction, en force et partout, de techniques et mesures managériales, adossées au grand calcul néolibéral, ratatine l’éducation comme système et comme geste. Loin de cet appauvrissement, l’éducation que nous défendons consiste à soutenir l’aventure des esprits en train d’apprendre et d’interroger les réalités, et à assumer avec eux toute l’intensité affective et intellectuelle qu’elle engage.

Cette offensive généralisée s’attaque aux ressources et aux pouvoirs qui constituent nos milieux. Comme acteurs et actrices du monde de l’éducation (et nos camarades de la santé et des services sociaux en savent aussi quelque chose), nous ne cessons de constater les multiples atteintes aux temps et espaces où s’exercent notre autonomie professionnelle et notre collégialité. L’exercice de notre responsabilité se rétrécit à mesure que croît une bureaucratie managériale et ses instances de contrôle infantilisantes sous couvert de reddition de comptes débiles.

Dans la société tout entière, c’est l’ensemble des formes de l’action collective que l’austérité prend pour cible. L’action syndicale, autonome ou directe, la grève, les pratiques politiques contre-hégémoniques, hors de la scène parlementaire, sont de plus en plus marginalisées, criminalisées, suspectées (de radicalité notamment), méprisées, réprimées au nom de la protection d’un ordre des choses naturalisé, scellé, poli et policier, placé hors d’atteinte derrière des vitrines qu’on ne pourrait que lécher.

Cette neutralisation de notre capacité d’action participe d’un dispositif de dépolitisation qui tente de nous faire prendre pour des nécessités des décisions politiques. Cette affaire-là n’est pas banale. Elle fait violence, symboliquement et effectivement, aux conditions mêmes du commun et de toute communauté : la politique, et son cœur, la conflictualité. La révolution dont l’austérité est le visage confine la politique à un terrain neutralisé, procéduralisé. Reste la forme aseptisée et infiniment appauvrie d’un système incarné par ses politiques professionnel-le-s.

Cette violence a ceci d’insidieux qu’elle impose les termes mêmes du débat par lequel nous essayons de la déplier pour nous en défendre. Elle soumet le sens des mots à sa seule autorité et nous tire par la langue sur son terrain marketing où seule prévaut la relation de l’approvisionnement commercial. Même quand on prétend le protéger, le citoyen n’est qu’un « client ». S’efface dès lors la portée politique de ses exigences. Si le mot chien n’a jamais mordu personne, la langue du pouvoir, au contraire, performe directement une guerre contre cette autre richesse mise à mal : les idées et les langages servant à dire la complexité du monde.

L’austérité est donc un appauvrissement intérieur, où dominent la crainte des sanctions et la faim des récompenses, le stress et l’insécurité sociale, la peur de l’avenir et la peur de l’autre, peur bleue – peur rouge – peur blanche. État d’esprit assiégé, redoutable producteur d’impuissance et de docilité. Les êtres par lui créés seront faits sur mesure pour un système libéral-paternaliste. Un système où les formes mêmes de notre présence au monde sont captives, où l’audace, la création et l’invention voient détournées leurs forces éruptives au profit de la rengaine plate de l’innovation.

Ne reste alors qu’à devenir un bon entrepreneur de soi, à mesurer la valeur de sa vie à l’aune de ses biens, de ses placements et de ses investissements, à voir en l’autre au mieux un partenaire, au pire un compétiteur dans l’infernale roue de fortune néolibérale.

Également compromise avec la violence faite aux territoires et à leurs composantes naturelles, l’austérité est la face coupante d’un abandon de la richesse commune de notre géographie à des projets de transport et d’extraction (de pétrole notamment) écocidaires, autant de désastres toujours déjà là et que rien ne pourra réparer. Pour le néolibéral austère comme pour l’homme blanc dont parlait le chef Seattle il y a plus d’un siècle et demi, la terre est un ennemi à piller; lorsqu’il l’a conquise et exploitée, il va plus loin; il l’enlève à ses enfants et cela ne le tracasse pas; son appétit la dévore et ne laisse derrière lui qu’un désert.

En fait, c’est l’ensemble du territoire humain et social, et tout ce qui fait la valeur de la vie, sa véritable richesse, c’est tout cela qui est ainsi traité comme un corps malade à assainir, un budget à compresser. Et puis des ruines, d’où l’on tire les diamants noirs des millionnaires s’adonnant à l’évasion et l’évitement fiscaux.

La charge dont austérité est le nom euphémisé, c’est la capture de nos existences par le travail, toujours plus de travail, qui consume le cœur de nos vies et le temps de nos meilleures années. Elle vole les jours que nous ne passerons pas à vivre, à bien vivre ensemble, à prendre soin les uns des autres, à aimer, à discuter, à mettre bout à bout nos solitudes, à inventer des manières nouvelles de faire, de dire, de fabriquer, de penser.

La guerre qu’on nous fait se réfracte dans tous les espaces de nos vies. Elle plie nos rythmes et notre quotidien, ses gestes et ses heures, à ses obligations. Elle nous frappe toutes et tous, nous sépare des territoires communs que nous essayons d’habiter pour les ouvrir aux dispositifs de l’extraction pour le profit privatisé.

Nous refusons les névroses du tout-marchandise et son angoisse sociale.

Nous refusons le peu où on nous réduit.

Nous refusons notre réification triple de contribuable-consommateur-majorité silencieuse.

Nous refusons la grande honte de vouloir la vie bonne pour toutes et tous.

Nous nous organisons.

C’est ici que croît la rose, c’est ici que nous dansons!

Version pdf du texte.

Poster un commentaire

Classé dans Anonyme/pseudonyme, Collectif

Figures de l’artiste et imaginaires sécuritaires au Québec

Par Simon Labrecque, Montréal

Mise en contexte : Ce texte a été préparé pour une table ronde sur le thème « Art et sécurité », prévue pour la 7e édition du festival Art Souterrain qui se tiendra du 28 février au 15 mars 2015 à Montréal. Le thème de cette année est La sécurité dans nos sociétés. On m’avait contacté en raison de quelques interventions, commises surtout en complicité avec Trahir, sur les procès de Rémy Couture et David Dulac. On demandait entre autres aux intervenants si l’artiste est essentiellement un saboteur, s’il est soumis aux lois et aux normes sociales comme les autres citoyens, et s’il est possible de critiquer un système tout en y prenant part. J’avais envisagé mon intervention comme une suite donnée à « Accueillir (ce) qui dérange : l’Art saisi par le Droit, dans et autour de l’Université », une communication présentée lors de la table ronde ICI-UQAM du 26 novembre 2014 intitulée L’art de s’exposer… Contenus illicites – Projets controversés. Cependant, j’apprends aujourd’hui que l’activité n’a pas été retenue par l’organisation du festival Art Souterrain. Le texte a du coup immédiatement été transsubstantié en « fond de tiroir ». J’ai néanmoins pensé opportun de le donner à lire. En marge de l’événement, l’intervention pourra être lue comme une réponse anticipant sa tenue.

 

il y a ceux qui s’en sacrent
il y a ceux qui ont oublié
il y a ceux qui serrent encore les dents
il y a ceux qui veulent tuer

Gérald Godin, « J’y suis j’y reste pour ma liberté », Libertés surveillés, 1975

 

Se demander si l’artiste – au singulier, donc « en général » – est un saboteur, c’est en fait poser la question de son rôle comme praticien, de ce qu’il ou elle fait, mais aussi de ce qu’il ou elle pourrait ou même devrait faire, et donc être. Le Saboteur, dans cette perspective, est l’une des figures ou des représentations possibles de l’Artiste. Demander « l’artiste est-il un saboteur? » revient alors à se questionner sur la valeur, la prévalence ou la puissance de cette figure qui se prête à la question en rapport avec d’autres possibilités, la valeur, la prévalence ou la puissance étant des qualités relatives, des attributs différentiels : une entité, semble-t-il, « vaut » toujours plus, moins ou autant qu’une autre… Ce serait une question d’économie de la pensée. En ce sens, une figure n’apparaît jamais seule. C’est avec d’autres figures ou représentations qu’elle peuple un imaginaire singulier, qu’elle (nous) habite.

Ici et maintenant, cet hiver dans la vallée du Saint-Laurent, c’est dans l’imaginaire québécois que semble se poser la question de l’artiste comme saboteur, de l’art comme sabotage et, plus généralement, des rapports entre art et sécurité. Cette dernière formulation rapproche deux imaginaires que l’on suppose souvent distincts ou que l’on croit devoir tenir à distance : l’un qui concerne l’art et l’autre la sécurité, chacun d’eux étant fort probablement déjà et fondamentalement pluriel. L’hypothèse que je veux énoncer, sinon mettre à l’épreuve dans cette intervention, est que les figures de l’artiste et les imaginaires sécuritaires entretiennent des rapports particuliers dans le Québec contemporain, c’est-à-dire qu’ils sont liés selon des modalités qui diffèrent des modalités ayant cours ailleurs, dans l’espace comme dans le temps. En d’autres mots, le nœud art-sécurité a une saveur locale. Quelle est-elle? À mon sens, elle se tient sans surprise quelque part entre le sucré et l’amer.

murales_17

Murale mémoriale.

Il me semble que le rôle de premier plan qui est attribué à l’Artiste ou aux artistes dans le « récit des origines » du Québec contemporain est unique. Ce récit qu’on se raconte à répétition mythifie une période historique, un moment somme toute assez récent que l’on nomme généralement « Révolution tranquille ». Cette époque est souvent perçue et racontée (même si, bien sûr, ce récit est aussi contesté, critiqué, voire même rejeté) comme une période d’émancipation par rapport à la « Grande Noirceur » et comme le moment d’un véritable passage à « la Modernité » – moment kantien, si l’on y tient : sortie de la minorité, de la tutelle du dogme de l’Église, courage d’utiliser son propre entendement de manière autonome, voire accès à la « normalité », à laquelle il manquerait encore un État-nation souverain, indépendant. Il me semble éminemment remarquable que ce qui constitue en quelque sorte la « scène primitive » ou l’étincelle de ladite Révolution est le plus souvent racontée, encore aujourd’hui, comme ayant été le fait d’artistes, de cette quinzaine de jeunes gens, surtout des peintres et des écrivains, qui ont signé en 1948 avec Paul-Émile Borduas, révolté de l’École du meuble, ce texte fulgurant connu sous le nom de Refus global.

Ce manifeste fait « récit d’origine » du Québec contemporain précisément parce qu’il est enseigné comme un document important, voire fondateur, dans les écoles secondaires ou à tout le moins dans les cégeps (institutions qui doivent leur existence à ce temps) et les universités. Ce simple fait de la répétition de l’histoire qui veut que Refus global ait été un texte transformateur – un court écrit qui a ouvert un chemin inédit pour tout un territoire, une province, une collectivité, voire une nation qui aurait dès lors (ou un peu avant, un peu après, les origines sont nécessairement nébuleuses) commencé à se reconnaître et à se penser comme telle – a assurément des effets sur les jeunes gens qui songent à ou qui décident de se consacrer aux arts, pour devenir « Artiste » au tournant de l’âge adulte. En effet, on leur et on se raconte à nous-mêmes à répétition que l’Artiste ou les artistes peuvent transformer radicalement une société. En retour, c’est la croyance en un tel pouvoir qui rend l’Artiste menaçant pour l’ordre établi et attrayant pour ses critiques, peut-être au Québec plus qu’ailleurs (c’est mon hypothèse)[1]. Que ce pouvoir soit en vérité surestimé, sous-estimé ou méconnu importe assez peu, en pratique, puisque ce dont il s’agit est la production d’apparences agissantes, d’horizons de sens, de la circulation de rêves pour napper ou masser – the medium is the massage, dixit McLuhan – l’habitation de ces terres colonisées avec violence.

Pour mettre à l’épreuve l’hypothèse d’une perpétuation de ce rapport singulier entre les figures de l’artiste et les imaginaires sécuritaires au Québec, on peut – outre le cas des poètes et des écrivains faisant face à la menace qui pèse sur la langue même en empruntant diverses stratégies pour la « sécuriser » dans son être ou sa survie – réfléchir à deux procès criminels récents, l’un tenu à Montréal et l’autre à Québec, où de jeunes artistes ont été accusés d’avoir mis en danger l’ordre public dans la province. La mise en scène du tort appréhendé dans les procès de Rémy Couture et de David Dulac mobilise l’imaginaire sécuritaire contemporain d’une « déviance » généralisée mais tapie dans l’ombre, en quelque sorte exemplifiée par les vêtements sombres portés par les deux accusés. D’une part, en effet, on craignait que des images stimulent un passage à l’acte de « pervers dérangés » surfant anonymement sur internet, partout sur la planète donc peut-être aussi derrière chez vous. D’autre part, on a craint la dissémination de la crainte que le plus d’enfants possibles soient attirés par des gadgets « style iPod » puis suspendus au plafond dans des poches de patate et battus avec une masse de fer pour qu’un artiste montre comment la société transforme des enfants créatifs en adultes amorphes, requalifiant la parodie de menace de mort réelle.

Ces « affaires » ont soulevé des réactions similaires, bien que leur ampleur ait été fort différente. Rémy Couture a été soutenu par ceux et celles qui défendaient la liberté d’expression, des professionnels du cinéma d’horreur à l’humoriste Mike Ward, en passant par les radios de Québec, la une du Voir et l’accueil sympathique à Tout le monde en parle. David Dulac a été soutenu par beaucoup moins de gens, lesdites radios réclamant plutôt qu’on le blesse et les médias grands publics se contentant d’en parler comme un « fait divers » dans les actualités judiciaires. Quoi qu’il en soit, il s’est trouvé dans les deux cas des gens pour ressentir un profond sentiment de révolte face au fait même de la mise en accusation de ces deux artistes. Attenter aux artistes, n’est-ce pas attenter directement à la liberté? C’est le cas si l’on porte toujours en soi cette vieille idée que « l’art est la fille de la liberté » (Schiller), que Claude Gauvreau a retravaillé sur un mode prescriptif en 1956 dans La charge de l’original épormyable « Il faut poser des actes d’une si complète audace, que même ceux qui les répriment devront admettre qu’un pouce de délivrance a été conquis pour tous »[2]. La formule de Gauvreau rappelle que l’audace suscite la répression, mais le « poète et mythocrate » (dixit Jacques Marchand) s’illusionnait peut-être sur la permanence des conquêtes. Refus global est à répéter, toujours; sa puissance de retentissement persiste, mais elle n’est pas donnée une fois pour toute. Fatikant!

Ces considérations permettent d’expliciter le terme intermédiaire qu’est la liberté dans le nœud « art et sécurité ». Les rapports entre art, liberté et sécurité ne concernent pas seulement le Québec, bien entendu. Nous ne les pensons pas dans le vide. Sous bien des aspects, ces trois notions sont typiquement « européennes », et ce que les spécialistes des relations internationales appellent « la balance entre liberté et sécurité » se trouve au cœur de plusieurs discours politiques en Occident. Cette « balance » est toutefois truquée ou inclinée dès le départ, dans la mesure où la sécurité est comprise comme une condition nécessaire de la liberté. Dans cette perspective, la sécurité doit impérativement venir avant la liberté, pour l’assurer. C’est d’ailleurs ce qu’énonce la Charte canadienne des droits et libertés enchâssée dans la Constitution de 1982, où l’article 2 définissant les libertés fondamentales est précédé de l’article 1 qui réserve à l’État le droit de suspendre ces libertés si la sécurité nationale est menacée. On peut répéter, avec Jean de La Fontaine ou Rousseau, qu’un trop grand désir de sécurité ruine la liberté. Toutefois, l’énoncé inverse semble garder une plus grande force de résonance. Sans sécurité, pas de liberté, ni d’art et de lettres (dixit Hobbes) : c’est l’énoncé qui fonde la légitimité renouvelable consentie à l’État par sa population comme seule institution détenant le monopole de la violence physique légitime sur un territoire réel et imaginaire. Sans État, ce serait la guerre sans fin, et qui penserait alors à faire de l’art? La puissance de retentissement sans cesse réactivée de Refus global, c’est peut-être ce par quoi, tour à tour, les cohortes de jeunes artistes d’ici émergent en se disant que ce type de saturation des possibles, on peut le refuser avec audace.


Notes

[1] Les figures de l’artiste au Canada anglais sont peut-être différentes. Elles entretiennent en tout cas des liens avec le territoire québécois. Dans son livre sur le critique littéraire Northrop Frye, né à Sherbrooke, David Cook écrit par exemple : « The question may be recast in terms of whether one can understand the dynamics of a technological society as the creation of a new series of visions while understanding that the imagination itself has become an imaginaire or ‘fantasy’ in its own right. The solace for many has been to turn towards the world of the artists and to see in the exercise of the artistic imagination the ability to shatter the monolithic grip of power. In Marshall McLuhan, the role of the artist is explicit and, indeed, finds support within a Canadian experience when one looks towards the poets and painters who have depicted our reality. […] In many instances, art can appropriate the technology in ways in which the seeming endless nihilism of technique can be turned inside out to create the values to govern a new social existence. The artist is then cast in the role of the law-breaker, the exposer, the prophet, or revolutionary. The model has the enormous appeal for its long lineage back in the western tradition to Plato’s fear of the artist. It also provides us with the theoretical underpinning to privilege the artist. » David Cook, Northrop Fry: A Vision of the New World, Montréal, New World Perspectives, 1985, p. 11. Dans leur introduction au livre de Michael A. Weinstein sur Fernand Dumont, également publié à Montréal par New World Perspectives, Michael Dorland et Arthur Kroker réservent une place de choix à Paul-Émile Borduas, énonçant par exemple : « Borduas was never more the Quebec painter than in the unrelenting sadness of his visual reflections on the death of society. The ‘cataclysmic event’: the sudden disappearance of Catholicism as the locus of Quebec identity; the ‘matter in expansion’: Quebec society in the modern project; the ‘black hole’: all signify Quebec as disappearing into its own black hole as it substitutes le virage technologique for the dream of the New Jerusalem of the North. ‘The death of signs’ is the ‘decaying society’ of Quebec itself as rupture and transgression against the technological dynamo. » Plus loin, ils ajoutent : « Utopia and fatalism are the main psychological pole of the Quebec mind. This is one culture which is decidedly not static and, for that reason, lives out the tension (in video, dance, literature, politics, and theatre) between the antinomies of political resignation and social utopia. » Michael Dorland et Arthur Kroker, « Culture Critique and New Quebec Sociology », dans Michael A. Weinstein, Culture Critique: Fernand Dumont and New Quebec Sociology », Montréal, New World Perspectives, 1985, p. 19; 24.

[2] Cette formule a récemment servi pour un appel à la réactivation de l’élan contre-culturel qu’on associe à la Révolution tranquille. Cf. Jonathan Lamy, « La charge épormyable de la contre-culture. Un héritage pour fissurer le consensus et réveiller le désir de rébellion », Liberté, no 299, 2013, pp. 10-12.

Poster un commentaire

Classé dans Simon Labrecque