Témoignage sur la brutalité policière lors de la manifestation nocturne du 20 mai 2012

Par Xi Sophie Zhang | Université de Montréal

À plusieurs reprises, les gens ont témoigné sur la brutalité policière et la couverture biaisée des médias. J’y ai toujours cru, mais hier soir, j’en ai eu la preuve incontestable.

Entre 21h et 1h, assise avec une camarade de classe, mon chum et quatre amis dans le café L’Escalier qui fait face au parc Émilie-Gamelin, nous avons été témoins d’une scène terrifiante!

À travers les fenêtres, nous observions le jeu du chat et de la souris décrit dans les médias: des manifestants s’enfuyant au son des bombes assourdissantes et sur leurs pas, les policiers, des anti-émeutes et la Sûreté du Québec. Alors qu’on prenait une bière en dansant la salsa, l’air s’est épaissi plus d’une fois de poivre de cayenne, faisant tousser soudainement tous les clients du café.

Puis, un silence horrifié autour de la table. Première scène sur le trottoir du parc. Un manifestant s’enfuit vers le métro. Des policiers le pourchassent. Un premier agent à vélo le renverse en pleine course. Un deuxième lui rentre dedans avec son vélo. Les autres lui sautent dessus et l’arrêtent de la façon la plus brutale imaginable. Deuxième scène sur le même trottoir. Un autre manifestant en fuite. Un agent arrive derrière lui. BANG, coup de matraque derrière le cou. Il chute brutalement. Un deuxième agent soulève son vélo au-dessus de l’homme qui gît maintenant à terre. PAF PAF PAF. Des coups de bicyclette sur le corps immobile.

Une demi-heure plus tard, il y a toujours dix policiers qui l’encerclent. Tout le monde dans le café se demande « pourquoi est-il encore sur le sol? ». Les agents ont l’air nerveux. Ils demandent à un journaliste de ranger sa caméra. Des passants s’approchent, mais restent en périphérie de la scène. Un policier particulièrement enragé leur crie de dégager et les pousse avec force. Il fait presque tomber à la renverse deux ou trois observateurs. C’est de la pure provocation.

Les minutes passent. Le deuxième manifestant arrêté est toujours couché. Les observateurs se font de plus en plus nombreux. Finalement, l’ambulance arrive et on comprend. Ils l’ont sévèrement blessé. On voit les paramédicaux lui mettre un collier cervical et l’emporter sur une civière. La foule rage. Une fille s’approche des policiers, crie, pointe, leur montre le doigt. Du café, on n’entend pas ses mots, mais on voit son émotion. On se demande si elle est amie ou parente du blessé et on se dit qu’on réagirait exactement comme elle si ça nous arrivait.

La salsa est finie. On sort du café et on s’approche du lieu de l’incident. Des flaques de sang sur le trottoir où l’homme a été battu. Notre groupe d’amis, loin d’être tous des carrés rouges, frissonne de peur et de dégoût. L’une d’entre nous a des larmes aux yeux. Ça donne mal au cœur. On se demande tous comment la manifestation sera rapportée dans les médias le lendemain.

Sans grande surprise, ce matin [21 mai 2012] je lis dans La Presse : « Dans le chaos, ce ne sont pas moins de 305 personnes qui ont été arrêtées et une dizaine blessées, dont une gravement. Il s’agit d’un homme d’une quarantaine d’années qui a été blessé à la tête alors qu’il était appréhendé au square Berri. Les policiers venaient de se faire attaquer lorsqu’ils ont chargé, selon un porte-parole. » Dans Le Devoir : « On rapporte pour hier un blessé grave à la tête, mais on ne craindrait pas pour la vie du manifestant. » À Radio-Canada : rien sur l’incident en question.

C’est tout. Les policiers ont été provoqués. Le gars ne va pas mourir. Tout va bien dans le meilleur des mondes.

Mais des questions restent sans réponse. Pourquoi arrêter les manifestants (dont la « violence » se résume, 99,9% du temps, à du vandalisme et des altercations avec les policiers, et non à de la vraie violence envers les personnes) en utilisant une force qui pourrait tuer ou rendre paraplégique? Pourquoi frapper sur une personne déjà à terre? Pourquoi agresser les observateurs qui ne dérangent pas, à moins d’avoir quelque chose à cacher? Et surtout, pourquoi dans la presse ne parle-t-on jamais des motifs et du déroulement des arrestations, seulement de la casse qui « justifie » la brutalité?

Crédit © Robert Skinner, La Presse

21 Commentaires

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21 réponses à “Témoignage sur la brutalité policière lors de la manifestation nocturne du 20 mai 2012

  1. Phil Adelphie

    Serait-il possible de savoir le lieu et l’heure et, si possible, le nom de cette personne? J’aimerais favoriser une enquête à son sujet parce que certaines sources indiquent qu’il serait dans le coma…

    • Nous ne possédons pas ces informations, mais nous laissons votre commentaire, au cas où quelqu’un pourrait répondre à vos questions. Il ou elle pourra le faire par l’entremise de la revue Trahir.

      Le curateur de Trahir

    • René Z.

      Pour ma part, j’ai trouvé ces informations: http://www.twitlonger.com/show/hifkj4

      TRÈS IMPORTANT (message de Isabelle Cyr):
      Suite à la publication de la photo qui suit
      http://t.co/DQU1Ydfz
      sur le mur facebook de Jean Barbe, j’ai reçu le lettre suivante de Annie Doucet (j’ai fait circuler l’information via facebook au Devoir, à Radio-Canada, à CUTV et à une chroniqueuse du Voir Mtl, en espérant qu’elle ait des contacts pour ce genre de chose. Je te l’envoie dans le même espoir).

      Ledit courriel reçu:

      Bonjour Isabelle,
      suite à ta publication sur le blessé gravement. Je te mentionne que je connais un médecin urgentologue à St-Luc qui est de votre côté. Il m’a fait plusieurs témoignages. Il faudrait un reportage télévisé. Trouver un journaliste et dite-lui de me contacter. Mon contact est de source sure le plus de votre côté

      Voici la page facebook de cette femme:
      https://www.facebook.com/annie.doucet1

      via Aurélie Laforte-Raymond:
      Voilà ce qu’on apprit sur cette homme, semblerait-il :

      «Un contact me dit que cet homme est au centre de traumatologie de St-Luc avec sa moelle épinière de sectionnée et fractures à certaines vertèbres. Le dude serait en coma profond avec peu de chances de revenir. Il serait sans famille.
      Il n’est pas mort mais criss que les médias en parlent pas de cette réalité…»

      Autre commentaire: via Claude Mercier · Ami(e) avec Jean Barbe
      Pour info, en direct à RDI, on voyait des policiers continuer de le frapper alors qu’il ne bougeait plus.

      Quelqu’un a publié ceci sous ma publication de la photo dans le groupe facebook « Oui à la grève générale étudiante au Québec », il s’agirait donc peut-être plutôt de la manif du 27:


      Photos de Karine Bériault

      source: https://www.facebook.com/pages/Boycott-et-Dénonciation-De-La-Désinformation-et-De-La-Censure-Médiatique/350116411708505

    • Marie-Andrée

      Je l’ai vu en direct sur LCN (sinon RDI) ils ont la vidéo complète, je me demandais justement pourquoi ils frappaient sur quelqu’un qui avait déjà les mains attachées. Mais malheureusement je ne sais pas qui est ce jeune homme.

  2. Sophie

    Je suis l’auteure du témoignage. Le lieu : trottoir de la rue Ste-Catherine, juste en face du parc Émilie-Gamelin. L’heure : vers 22h. C’est tout ce que je sais.

    • Sophie, pouvez-vous vous manifester auprès de

      C’est un appel à témoin, pour ce jeune homme. Merci, et merci pour votre texte.

      • Sophie

        J’ai déjà témoigné un peu partout (même sur OM99%). Je suis en contact avec Le Devoir, La Presse et le Journal de Montréal, ainsi que plusieurs citoyens concernés. J’attends toujours des nouvelles! Pour l’instant, juste des rumeurs, aucune confirmation des faits.

  3. Marielle Bourret

    UN CAS FLAGRANT DE BRUTALITÉ

    :: PRIÈRE DE POSTER ICI SI VOUS AVEZ DES INFORMAT…
    Lire la suite

    Par : OM99% Media – http://www.om99media.org

    Il y a plusieurs personnes prêtent à témoigner pour ce cas , une personne en particulier ; Xi Sophie Zhang Bonjour, c’est moi qui a témoigné sur le cas de cet homme. Nous sommes plusieurs à se porter volontaire pour parler aux médias ou même aux avocats sur ce qu’on a vu. C’était une utilisation complètement injustifiée de force BRUTALE. Si vous connaissez la famille, vous pouvez m’écrire un message personnel à ce sujet! Je suis traumatisée… c’est vraiment dégueulasse, surtout que les médias principaux n’en glissent même pas un mot >>> voir sur leur site Facebook<<<<

  4. Kathy Letellier

    J’ai également vu la scène. Elle était terrifiante. J’ étais pour ma part juste à coté de lui lorsqu’il s’est fait renverser! Il n’a pas fait un seul mouvement pas la suite. J’ai vu également du sang lui sortir de les oreilles. Les policiers étaient très tendus car ils avaient une rumeur selon laquelle il était mort. Beaucoup de gens ont encerclé la scène en criant « assassin » aux policiers. Depuis ce temps aucun journaux ne parlent de lui et aucun suivi au niveau des journalistes. J’ai trouvé quelques vidéo de la dite scène, mais sans plus. Je trouve ça très bizarre. Cela me porte à croire qu’il y a quelque chose de cacher. Cette idée m’obsède depuis dimanche!

  5. Annie

    J’ai vu un vidéo où l’on voit clairement l’homme à bicyclette se faire frapper à la nuque violemment et tomber par terre. Ensuite, un con stable le frappe à l’aide d’un vélo à plusieurs reprises sur son dos, alors qu’il est immobile, face contre terre. Malheureusement, je ne retrouve plus le vidéo sur youtube… Mais je peux témoigner que ce vidéo existe quelque part ! Il faut retrouver la personne qui a capté les images !

  6. René Z.

    Une page où l’on peut trouver des informations au sujet de ce cas de brutalité policière: http://admin.diag.ca/enquete-sur-la-brutalite-policiere/

  7. Marc Dupret

    Mais qu’est ce que les manifestants attendent pour se protéger le corps, mettre des caques et muni de battes de baesbool, leur défoncer la gueules à tous ses pourrit de flics qui se croyent tout permis !

  8. Evalysandre

    Je vois que tu es une étudiante en médecine. Si c’est le cas je crois que toi et toutes les facultés pouvez changer la dogme. Imaginez qu’en septembre aucun professeur et aucun élève des facultés de médecine ne se présente en classe et que vous alliez plutôt manifester dehors? Je sais que c’est une idée folle et j’ai bien peur que cela ne se fasse pas… mais je suis une rêveuse que veux-tu!
    Vous allez bientôt prononcer le serment d’Hippocrate et prendre position en faveur des étudiants est une manière de vous assurer que le gouvernement plie et le massacre cesse. Je rêve que les médecins et étudiants en médecines se soulèvent. Vous pourriez faire une différence. Votre voix est forte.

  9. Philippe Reverdy

    Il est inconcevable que nous n’ayons aucune information sur ce fait. Il faut absolument faire des pieds et de mains pour savoir ce qu’est devenu ce jeune homme. Il faut absolument créer un réseau solidaire et citoyen pour exiger des informations, exiger un travail d’enquête au niveau des médias ou nous organiser pour la réaliser. Un blessé ne disparait pas de la circulation. Les images sont éloquentes et nombreuses, et cet acte criminel ne doit pas rester impuni. Je poste une video de l’incident qui doit être déjà connu puisqu’il est sur Youtube, mais il faut agir

  10. suzanne pouliot

    bon je voie que nos appels répétés de la semaine derniere ont portés des fruits.Malheureusement nous n avons pas trouver cet homme et son état.Jamais nous est venus le nom Larochelle.On continue et je prie pour qu on puisse avoir des nouvelles de ce mal heureux qui a fait les frais de la brutalité policiere.J ai lue les témoignage et je m apercois que les gens sont sensibles aux brutalité dans leur pays.On contnue et boonne chance a tous pour qu on puisse trouver

  11. Vinciane Peeters

    Il s’agit ni plus ni moins d’un disparu.
    Comment se fait-il que ce ne soit pas des ambulances civiles qui secourent les manifestants?
    Par ailleurs les personnes dans les hôpitaux n’ont pas nécessairement besoin d’être complices dans cette affaire et doivent parler.
    Il faut continuer les recherches et faire attention de ne pas se laisser berner par des fausses nouvelles.
    Il serait interessant de communiquer avec le journal le monde, car ils montent un dossier sur la crise

    • Mali-Ana

      Désolée de crever votre bulle, mais le personnel soignant est tenu selon son éthique professionnelle à assurer la confidentialité.Donc ceux qui prennent soins(s’il y a lieu) de cet inconnu ne peuvent malheureusement pas vous informer de son état. Parcontre ce n’est pas le cas de proches parents ou amis de vous tenir au courant de la condition de cette personne.

  12. Cocotte

    Sébastien Tranchart serait son nom (et non pas Larochelle), un gars de la Gaspésie, et il serait sorti de l’hôpital le lendemain suite à une commotion cérébrale.
    Voir interventions du 28 mai:
    http://veritejustice.wordpress.com/2012/05/27/911-policier-criminel-recherche/

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